Update 18/10/2022
Le 29 avril 2012, un agriculteur a été intoxiqué par du sulfure d’hydrogène ou des vapeurs de H2S alors qu’il voulait réparer une pompe submersible dans un puits. L’agriculteur n’y a pas survécu. Cet accident montre une fois de plus à quel point il est important de suivre des procédures correctes et d’utiliser des équipements de protection lorsqu’on effectue des travaux dans des puits ou des égouts.
Formation de sulfure d’hydrogène
Le sulfure d’hydrogène est un gaz mortel que l’on obtient par la conversion de matériel organique que l’on trouve dans un environnement appauvri en oxygène par des bactéries anaérobies et sulfatoréductrices, par exemple sur le sol d’une fosse septique.
Plusieurs circonstances et lieux de la vie quotidienne permettent le développement du sulfure d’hydrogène. Les puits et égouts en font partie.
Dans un contexte professionnel également, il existe des circonstances typiques dans lesquelles cela peut avoir lieu, comme dans les installations d’épuration d’eau, les dépotoirs et les installations de fermentation, dans les laboratoires qui utilisent le gaz, pendant les prélèvements d’échantillons sur les navires remplis de pétrole brut ou dans l’industrie chimique qui produit cette substance ou dans des lieux où ces substances peuvent être dégagées, comme dans les raffineries ou pendant l’extraction de pétrole.
Composition atypique du gaz en à l’air libre
L’air libre de l’atmosphère contient normalement 78% d’azote, 20,7% d’oxygène et plusieurs gaz résiduels dont l’argon et le dioxyde de carbone sont les principaux. Dans des conditions normales, ces concentrations oscillent à peine, seul le pourcentage de vapeur d’eau (ca. 1%) fluctue. Dans des situations où l’aération est insuffisante et que l’on décrit dans le jargon de la sécurité comme « espaces confinés », des écarts peuvent toutefois apparaître par rapport à cette composition naturelle du gaz.
Ces écarts sont parfois inconnus et involontaires, mais parfois ils sont aussi créés consciemment. Dans l’industrie, les réservoirs de stockage sont parfois consciemment pourvus d’une inertisation à l'azote pour éviter les explosions. Cela signifie qu’on va « couler ou dilluer » un espace gazeux avec un gaz inerte pour, de la sorte, éliminer ainsi les gaz non désirés (comme l’oxygène dans ce cas-ci) d’un espace. Auparavant, le secteur alimentaire en faisait également usage. Pour une inertisation, on utilise souvent de l’azote, mais parfois aussi d’autres gaz inertes, tels que l’argon, qui en soi ne sont pas dangereux, mais qui impliquent un risque d’étouffement.
Pour connaître les compositions du gaz qui sont dangereuses pour une personne, le mesurage de la composition du gaz est une des procédures de sécurité élémentaires.
Détection du sulfure d’hydrogène
Le sulfure d’hydrogène a la même odeur que les œufs pourris. Le seuil de détection de l’odeur est très faible et est de 0,0005 ppm (ml/m3). La valeur limite pour l’exposition professionnelle, telle que décrite dans l’arrêté royal du 11 mars 2002 relatif aux agents chimiques au travail, est de 5 ppm et la valeur de courte durée de 15 minutes est de 10 ppm. Cela signifie que même dans de faibles concentrations, il est possible de sentir le gaz avec le nez.
Toutefois, notre organe olfactif ne peut pas faire la différence entre 0,05 ppm et 5 ppm et est vite saturé (après quelques inhalations nous ne nous en apercevons plus). Finalement, le nez est donc un conseiller particulièrement mauvais pour savoir si les concentrations perçues (ou pas) constituent un risque pour la santé.
De plus, le nez ne détecte absolument plus ce gaz dans des concentrations supérieures à 100 ppm. En cas d’exposition au-delà de 5 minutes à une concentration de 800 ppm, il y a une probabilité de décès de 50%. Sentir ou ne pas sentir peut donc donner un faux sentiment de sécurité.
Lors de l’introduction dans des espaces confinés, on ne doit donc pas uniquement mesurer le taux d’oxygène ou la concentration en vapeurs explosives avec un explosimètre/oxygénomètre combiné, mais il y a aussi des situations, telles que celles abordées ci-dessus, où d’autres vapeurs, comme l’oxyde de carbone (CO), le dioxyde de carbone (CO2), l’ammoniac (NH3), le sulfure d’hydrogène (H2S), etc. doivent être mesurées. Il existe des détecteurs de sulfure d’hydrogène pour mesurer ce dernier.
Dans différentes situations, d’autres composantes de souffre avec un très faible seuil de détection de l’odeur (par exemple tétrahydrothiophène ou mercaptane) sont ajoutées au gaz naturel comme alarme précoce en cas de fuite, mais ces combinaisons de soufre sont beaucoup moins toxiques que le sulfure d’hydrogène. Dans ce cas, le nez peut donc être utilisé comme détection précoce du danger.
Procédures strictes
Lors de l’introduction dans des espaces avec de possibles compositions atypiques du gaz, décrits comme des « espaces confinés » dans le jargon de la sécurité, plusieurs étapes doivent être parcourues et des mesures doivent être prises. On peut penser ici à la liste non limitative suivante:
- N’effectuez jamais les travaux seul
- Faites réaliser les travaux par du personnel compétent; dans le contexte employeur-travailleur, des formations et des instructions sont obligatoires pour les travailleurs
- Mesurez au préalable l’espace avec un appareillage approprié pour avoir une estimation de la situation; le mesurage doit avoir lieu en permanence lors de l’exécution des travaux; dans différents cas un mesurage de l’oxygène et de l’atmosphère explosive n’est pas suffisant
- Veillez au préalable à ce qu’une deuxième personne, un surveillant, puisse lancer les procédures d’urgence, comme appeler les services d’urgence, en cas de situations d’urgence de la personne dans l’espace confiné. Dans différents cas, cela sera insuffisant pour effectuer à temps l’intervention et ce surveillant devra aussi effectuer lui-même des interventions. Cela n’est possible que si le matériel approprié se trouve sur place et si les deux personnes en sont déjà équipées, sont formés et surveillés médicalement.
- Dans un certain nombre de cas, la composition du gaz de l’atmosphère est trop proche de la valeur limite. Il est alors conseillé d’utiliser de l’air comprimé via une gaine d’aérage ou via une bouteille à air comprimé. Les masques à filtre courent le risque d’être trop rapidement saturés.
- Lorsque la hiérarchie de la prévention ne donne aucun résultat, il faut alors envisager d’éviter cette activité à risque et d’utiliser des techniques alternatives.
Application stricte et contrôle
L’application stricte des procédures et des mesures est nécessaire, indépendamment du statut de l’exécutant si l’on ne veut pas être blessé ou intoxiqué mortellement.
Les indépendants sont responsables de leur propre sécurité et santé, mais courent néanmoins les mêmes risques. Ils font alors bien de prendre les mêmes mesures, abstraction faite du manque de dispositions légales pour ce groupe cible.
Les travailleurs doivent suivre correctement les instructions de leur employeur. L’employeur veille entre autres à ce que ses travailleurs soient formés concernant ces risques, il met le matériel nécessaire à disposition, il rédige des instructions et fait en sorte que les travailleurs mettent ces instructions en pratique. La ligne hiérarchique de l’employeur a également de telles obligations, comme stipulé dans l’article 13 de l’arrêté royal du 27 mars 1998 relatif à la politique du bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail.
C’est naturellement l’inspection du travail qui surveille l’application, entre autres dans le cas d’accidents graves du travail. Des instances de contrôle dérivées et des experts qui peuvent également jouer un rôle sont:
- dans le cas d’activités de construction, les conseillers du Comité National d’Action pour la sécurité et l’hygiène dans la Construction (CNAC)
- dans le cas de formations sur cette activité à risque, les instituts de formation pour l’obtention de l’attestation de formation dans le cadre de la liste de contrôle Sécurité, Santé, Environnement pour les Entrepreneurs (LSC)
- les auditeurs LSC (VCA) dans le cadre de la remise de la certification LSC (VCA).
Groupe cible qui court le risque d’intoxication au sulfure d’hydrogène
Chez les indépendants, on retrouve ces risques principalement dans le secteur de l’agriculture (l’agriculteur et sa famille, le travailleur agricole indépendant), mais aussi chez les vidangeurs indépendants de fosses septiques.
Chez les travailleurs, nous pensons aux travailleurs des services techniques des communes qui pénètrent dans les égouts, aux travailleurs des entreprises de nettoyage professionnelles, aux techniciens d’entretien des stations d’épuration des eaux, aux surveyors lors des contrôles du pétrole brut, aux laborantins, aux travailleurs dans l’industrie chimique, etc.
Plus d’information
- Vous trouverez des images de l’accident du 29 avril 2012 sur les sites Internet de:
- FOCUS WTV: Werk nooit alleen in een waterput, zeggen specialisten
- De Standaard: Boer bevangen door giftig gas in waterput
- Sur le site Internet du Service public fédéral (SPF) Emploi, Travail et Concertation sociale, vous trouverez:
- la réglementation:
- l’AR du 11 mars 2002 est devenu titre 1 agents chimiques du livre VI du code
- l’AR du 27 mars 1998 relatif à la politique du bien-être est devenu titre 2, livre I du code
- plus d’information sur les activités de l’inspection du travail: Direction générale Contrôle du bien-être au travail
- la réglementation:
- Vous trouverez une liste des entreprises LSC sur le site Internet de BeSaCC-VCA: entreprises LSC
- Sur le site Internet de l’ ‘Agency for Toxic Substances and Disease Registry’ américaine, vous trouverez un document sur le profil toxicologique du H2S (en anglais): Toxicological profile for hydrogen sulfide (PDF)
- Concernant les accidents et les risques du sulfure d’hydrogène, voir les sites Internet du:
- U.S. Chemical Safety and Hazard Investigation Board (en anglais):
- Examen d’un accident mortel en 2002 en Amérique à la suite d’une réaction de NaHS et du dégagement de H2S: Investigation Report - Hydrogen Sulfide Poisoning (PDF)
- Examen d’un accident en 2002: Case Study - Hydrogen Sulfide Exposure (PDF)
- Center for Chemical Process Safety (CCPS), CCPS Process Safety Beacon - Process Safety Messages for Manufacturing Personnel: Réaction toxique fatale dans un égout (PDF)
- Le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale: leçons tirées d’un accident lors du démarrage d’une installation avec dégagement de H2S: Emission de sulfure d’hydrogène lors du démarrage d’une installation de production (PDF)
- Blog du service incendie néerlandais (en néerlandais): H2S ongevallen en discussie over brandweerinzet
- Etats Unis
- United States Department of Labor - Occupational Safety and Health Administration (en anglais): Hydrogen sulfide
- Two Laborers Die from Hydrogen Sulfide Exposure in a Confined Space at an Organic Waste Recycling Facility
- Fatal occupational injuries in the US involving confined spaces: 2011-2018
- OSHA investigation finds safety failures led to the death of 3 workers
- Canada
- Syndicat canadien de la fonction publique (in het Frans): Renseignements sur la santé et la sécurité - Sulfure d'hydrogene (PDF)
- Analyse d’un accident du 5 septembre 2008 au Canada avec 3 morts
- Hydrogen sulfide in Industry
- Truck Driver Almost Killed by H2S
- U.S. Chemical Safety and Hazard Investigation Board (en anglais):
- Sur le site Internet du Centre Antipoisons
- Concernant les espaces fermés, voir les sites Internet du:
- SPF Emploi, Travail et Concertation sociale: Surveillance et sauvetage lors de l’introduction dans des espaces confinés (PDF)
- Vandeputte Safety: article de Jan Jordaens, publié dans ‘Veiligheidnieuws’, n° 155, avril-mai-juin 2007 (en néerlandais): Besloten ruimten (PDF)
- Het Provinciaal Veiligheidsinstituut (PVI) (en néerlandais): Praktische handleiding voor de uitvoering van het toezicht en de eerstelijnsredding bij het werken in besloten ruimten (PDF)
- L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) (France):
- La base de données ‘Analyse, Recherche et Information sur les Accidents’ (ARIA) du Ministère français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer: Accidents en espace confiné
- I&I Mens en Werk, Veilig werken in de installatie- en isolatiebranches (Pays-Bas) (en néerlandais): Arbocatalogus - Kruipruimten in installatie- en isolatiebranches (PDF) (Espaces rampants dans les branches d’installation et d’isolation)
- HSE Agriculture Information Sheet No 26 Managing confined spaces on farms
- Concernant la sécurité et la santé en agriculture:
- Sur le site Internet du ‘Health and Safety Executive’ (HSE) britannique (en anglais): Farmwise - Your essential guide to health and safety in agriculture
- Sur le site Internet du ‘Worksafe BC’ canadien (en anglais)
- Concernant les travaux dans les égouts, les puits et l’épuration des eaux, voir sur le site Internet de:
- HSE: working with sewage
- Best practice guidance for reducing health risk for workers handling sewage, biosolids or recycled water
- Arbocatalogus Afvalbranche (Pays-Bas) (en néerlandais): Rioleringsbeheer
- L’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique’ (EHESP) française: Risques sanitaires potentiels liés aux postes d’entretien des réseaux d’assainissement (PDF)
- Aquafin (en néerlandais): veilig afdalen op de werf
- Arbeiten in umschlossenen Räumen von abwassertechnischen Anlagen
- Sur les risques et mesures avec le H2S:
- Sur le site internet du Ministère français du travail, de l’emploi et de la santé: hydrogène sulfuré (H2S)
- ‘Waterstofsulfide‘ sur le site internet Hollandais du HSE life
- Directive de sécurité – zwavelwaterstof (en néerlandais) sur le site internet du Safety Platform Cargo (PDF)
- Sur les risques des gaz inertes, comme l’argon et l'hélium:
- VTM – het nieuws (en néerlandais): Dokters kunnen niets meer doen voor tiener die helium inhaleert
- European Industrial Gases Association (EIGA) (en anglais): Campaign against asphyxiation
- VAD: Lachgas en andere vluchtige stoffen. De meest gestelde vragen
- Drogue info-service (France): gaz hilarant/hélium